Sommaire

Histoire : La découverte des premiers Tillandsia ; Les Tillandsia aujourd’hui

Où vivent-ils : Géographie ; Climatologie ; Mode de vie

Description botanique : Place des Tillandsia dans le règne végétal ; Anatomie (les racines, les feuilles, l’épiderme, les fleurs)

Cycle de vie : De la graine à la fleur ; de la fleur à la graine ; La reproduction végétative

 

Histoire

La découverte des premiers Tillandsia

          La première fois que des Tillandsia ont été aperçus par un Européen, à l’époque de Christophe Colomb, celui-ci crut d’abord voir un arbre dont chaque branche avait des feuilles différentes ! La première description d’un Tillandsia (T. utricularia) date du début du XVIIème siècle par Gaspard Bauhin. Mais ce n’est qu’un siècle plus tard, en 1737, que le genre Tillandsia verra le jour dans la littérature, sous la plume de Linné.

          Au fil des années et des explorations en Amérique du sud, la famille des Broméliacées et le genre Tillandsia ont vu leur nombre d’espèces augmenter, pour dépasser les 3300 espèces de Broméliacées dont presque 700 espèces de Tillandsia (presque 750 si on compte tous les hybrides naturels). Il y a (en 2019) environ 150 taxon infraspécifiques (sous-espèce, variété, forme). Bien évidemment ces nombres sont encore très variables en fonction des découvertes et de la source. Ils devraient encore évoluer dans les prochaines années, notamment grâce à l’utilisation de la biologie moléculaire.

 

Les Tillandsia aujourd’hui

          A l’origine, les Tillandsia n’intéressaient que les botanistes. Au fur et à mesure des découvertes de nouvelles espèces et de leur mode de culture si particulier, les gens ont commencé à vouloir les cultiver chez eux. Vendus à l’origine comme simples « décors jetables » ou comme plantes n’ayant pas besoin d’eau (une aberration), il fallait sans cesse s’approvisionner en nouveaux spécimens, qui étaient bien souvent récoltés sans parcimonie (par branches entières, avec d’autres espèces qui n’intéressaient pas forcément le récolteur). C’est une des raisons de la raréfaction de ces plantes dans la nature (comme beaucoup d’autres plantes tropicales d’ailleurs).

          De nos jours, les collectes sont rares et contrôlées, les Tillandsia vendus proviennent de fermes tropicales situées dans les pays d’origine ou de cultures en serre. Bien évidemment, cela ne suffit pas à réparer le mal fait à ces espèces et à celles vivant aux côtés des Tillandsia. Aujourd’hui encore, les Tillandsia souffrent de désinformation, notamment concernant leur mode de culture, et il n’est pas rare de les voir présentées comme des plantes ne nécessitant ni eau, ni minéraux. Ces méthodes de vente frauduleuses ont beaucoup nui à l’intérêt porté par le grand public pour ces plantes, alors qu’il est si simple de les cultiver, pour peu que l’on prenne le temps de bien s’informer. A noter que les Tillandsia se retrouvent aujourd’hui dans certaines jardineries, mais dans ce cas, aucune explication n’est fournie lors de l’achat de ces plantes, et les réponses aux questions posées en magasin sur leur culture laissent supposer qu’il y a encore beaucoup à faire en terme de communication sur ces plantes.

 

Où vivent-ils ?

Géographie

         Les Tillandsia sont originaires d’Amérique du sud et d’Amérique centrale. On les retrouve du Sud de l’Argentine au Sud des Etats-Unis. Aujourd’hui, les exportations et l’incroyable adaptabilité de la plante font que l’on retrouve des Tillandsia dans bon nombre de régions tropicales du monde, que ce soit en Afrique ou en Asie. Cette carte présente la répartition d’origine des Tillandsia :

 

 

Climatologie

          L’Amérique du Sud présente une incroyable diversité de paysages, par exemple la forêt amazonienne qui s’étend sur 6 millions de km² et la cordillère des Andes qui culmine à près de 7000 mètres. Il en résulte donc une diversité importante en termes d’habitats et de climats, notamment en fonction de l’altitude et de la distance par rapport à la mer. On peut ainsi observer des zones humides et des zones plus sèches, avec tous les intermédiaires possibles. Il en va de même avec les températures. On peut cependant classer les climats rencontrés par les Tillandsia en plusieurs grands groupes :

  • Les habitats humides : pluviométrie et hygrométrie importantes, luminosité moyenne. Absence de saison sèche
  • Les habitats semi-arides : pluviométrie plus faible et luminosité plus importante. Saison sèche plus ou moins marquée
  • Les habitats arides : pluviométrie faible (inégalement répartie sur l’année) et insolation forte. Saison sèche très marquée et plus ou moins longue
  • Les habitats d’altitude : Ils peuvent être humides, semi-arides ou arides mais présentent des amplitudes thermiques beaucoup plus fortes (la nuit la température peut frôler le 0°C) et une insolation beaucoup plus importante (dangereuse pour la plupart des plantes au niveau des UV).

 

Mode de vie

          La plupart des Tillandsia sont épiphytes, c’est-à-dire qu’ils vivent accrochés sur d’autres plantes, généralement à l’aisselle des branches, sans les parasiter. Cependant les Tillandsia peuvent également coloniser d’autres supports, comme des rochers (on parle d’espèces lithophytes), des cactus, des murs, des toits, des fils électriques ou pousser entre les rochers (on parle d’espèces saxicoles)… La nutrition minérale de la plante se fait lorsque l’eau de pluie, qui au préalable ruisselle sur le support et donc se charge en minéraux, entre en contact avec la plante. A noter que certains Tillandsia sont terrestres.

          Cette disposition en épiphyte accorde aux Tillandsia la faculté de coloniser de nombreux milieux. Même au sein d’un arbre, on peut distinguer plusieurs étages, de la base du tronc ou des branches principales, relativement sombres, bien protégées et abritant les espèces sciaphiles, à la canopée très lumineuse, plus chaude, très aérée et abritant les espèces héliophiles. Concernant les espèces vivant sur les pierres ou les toits, elles seront évidemment plus tolérantes à une luminosité et une aération intense.

          Ces exemples illustrent l’incroyable faculté d’adaptation dont font preuve ces plantes, que l’on peut retrouver dans des milieux humides, secs, relativement froids et sur des supports extrêmement variés.

 

Description botanique

La place des Tillandsia dans le règne végétal

          Voici une version un peu simplifiée de la classification de Tillandsia ionantha ‘Mexico‘  :

 

  • Cultivar : ‘Mexico’

 

Vous êtes perdu après le sous-embranchement ? Ne vous inquiétez pas, nous allons reprendre un peu plus en détail.

          Le groupe des monocotylédones regroupe les plantes ayant les caractéristiques suivantes :

  1. Racines fasciculées (c’est-à-dire beaucoup de racines de tailles sensiblement identiques), par opposition aux racines pivotantes des arbres par exemple.
  2. Nervation généralement parallèle (les nervures sont parallèles et non réticulées ou pennées).
  3. Absence de bois, fleurs généralement trimères (fleurs à symétrie d’ordre 3).
  4. Embryon à un seul cotylédon.

     

          Dans cette classe qui regroupe les palmiers, le gingembre, l’ananas, les crocus ou les graminées par exemple, se trouve l’ordre des Bromeliales. Cet ordre inclut la famille des Tillandsia (et de l’ananas) : les Broméliacées. Cette vaste famille regroupe une cinquantaine de genres, parmi lesquels on retrouve le genre Tillandsia

          Il est possible de descendre encore plus dans l’arborescence de cette classification avec, par exemple, les sous-espèces (ssp.), les variétés (var.) ou les cultivars (cv.) qui sont les variétés créées par l’Homme. Les noms des variétés sont précédés de var. et les nom des cultivars s’écrivent entre guillemets simples (et sont parfois précédés de cv., pour ‘cultivated variety’). La distinction entre les termes variété et cultivar sera traitée dans la page des hybrides, variétés et cultivars. Dans notre exemple ci-dessus, il s’agit du cultivar ‘Mexico’, qui se distingue de T. ionantha car il est plus petit et devient rouge intense même avec relativement peu de lumière, et encore plus pendant la floraison.

 

Anatomie

          Intéressons-nous maintenant aux différents organes des Tillandsia. Comme toutes les plantes évoluées, ils possèdent des racines, des feuilles et des fleurs. Cependant, compte tenu de leur mode de vie particulier, ces organes vont avoir des rôles assez surprenants par rapport à des plantes plus « classiques ». Voyons cela de plus près :

Les racines :

          Elles sont souvent nombreuses, ramifiées, arrondies, souples et glabres (sans poil absorbant), parfois absentes. Elles présentent la plupart du temps un apex enflé (chez la plupart des espèces, seul l’apex semble vivant, la racine prenant rapidement une apparence sèche et brune). A l’exception des espèces terrestres, les racines des Tillandsia sont épiphytes (car elles ne poussent pas dans la terre mais souvent sur d’autres plantes) et haptotropes, c’est-à-dire qu’elles poussent en épousant parfaitement le support, ce qui leur permet d’y rester cramponnées solidement. Les racines des Tillandsia sont particulières puisqu’elles ont souvent pour principale fonction d’accrocher la plante à son support. Pour ce faire, elles font preuve d’une solidité remarquable malgré leur relative finesse. Cette résistance est due à une forte teneur en lignine de certains tissus constituant la racine. A noter l’existence d’une gomme brune sécrétée par certaines racines pour accroître encore plus l’adhérence au support.

 

 

          Chez la plupart des Tillandsia (mais pas tous !), les racines ne possèdent pas de chlorophylle et n’effectuent donc pas la photosynthèse (contrairement aux racines de Phalaenopsis par exemple). En plus du rôle de cramponnage de la plante sur son support, les racines permettent parfois d’assurer chez certaines espèces (souvent terrestres), le transport de l’eau et des minéraux (sève brute) des racines vers les parties aériennes.

Note : en culture, il est parfois difficile d’aider la plante à former des racines. D’expérience, je dirais qu’il faut une bonne hygrométrie et surtout… des plantes en bonne santé ! Sachez aussi que toutes les espèces ne racinent pas au même rythme (voire pas du tout !).

 

Les feuilles :

          Les Tillandsia possèdent des feuilles généralement nombreuses, insérées autour d’une tige parfois longue (pouvant dépasser le mètre), parfois très courte voire absente (on parle alors de plantes acaules). La tige peut pousser presque indéfiniment (jusqu’à la floraison) et mourir au niveau de sa partie ancienne au fur et à mesure de la croissance (ex : T. latifolia ou T. duratii). Elle peut aussi se casser facilement au niveau des ramifications, ce qui est un bon moyen de dispersion pour la plante (ex : T. heteromorpha). Certaines espèces peuvent également produire des stolons (ex : T. espinosae).

 

 

          Voici un cas extrême de tige très longue, s’allongeant sur plus de 2.5 mètres. C’est un magnifique spécimen de T. latifolia poussant depuis plusieurs dizaines d’années dans les serres du Jardin Botanique du Montet :

 

 

          Les feuilles de Tillandsia sont de formes et de couleurs très variées. Elles sont généralement allongées et disposées autour de la tige mais parfois en rosette. Dans ce cas, la plante ne présentera pas de tige (on parle de plante acaule) ou une tige réduite. Les feuilles vont alors émerger en spirale au milieu de la rosette et vont se retrouver au bord de celle-ci au fur et à mesure de l’apparition de nouvelles feuilles (c’est le cas par exemple de T. plagiotropica).

          Dans tous les cas, les feuilles ne vont vivre que quelques années avant de mourir. Il est donc normal, vu que les feuilles apparaissent au sommet, que la base se dégarnisse et sèche au fur et à mesure de la croissance de la plante (la photo ci-dessus illustre parfaitement ce phénomène). Il faudra juste s’inquiéter s’il y a plus de feuilles âgées qui meurent à la base que de nouvelles feuilles qui apparaissent au sommet de la plante car dans ce cas, la plante est certainement mal cultivée ou malade.

          Les feuilles présentent une gaine à la base du limbe. Cette gaine, plus ou moins grande, présente des formes variées, souvent discriminantes pour la détermination de certaines espèces. La taille de la gaine va également déterminer la capacité de la plante à retenir l’eau :

  • Des gaines larges et des feuilles serrées vont imperméabiliser certaines parties de la plante, notamment la base des rosettes. Ex : T. tricolor.
  • Des gaines peu marquées et des feuilles peu nombreuses ou étagées vont peu ou pas du tout retenir l’eau. Ex : T. macbrideana.

 

 

          A noter que certaines espèces peuvent varier en forme (polymorphisme) en fonction du leur état d’hydratation. Citons le cas de T. streptophylla dont les feuilles peuvent « friser » en donnant un aspect compact à la plante lorsque celle-ci a soif, afin de limiter la surface d’échange de la plante avec son milieu. Remise en milieu humide, la plante va « dérouler » ses feuilles. Les photos ci-dessous montrent un T. streptophylla assoiffé et le même individu après 6 mois passés en terrarium humide (photo à droite) :

 

 

L’épiderme :

          Chez les Tillandsia, l’épiderme est très spécialisé. En effet le mode de vie en épiphyte offre de nombreux avantages (loin du sol et de l’humidité stagnante, plus près de la canopée et donc de la lumière) mais aussi quelques inconvénients : manque d’eau et d’hygrométrie, chaleur et luminosité parfois excessive. Pour pallier à ces problèmes, les Tillandsia arborent des épidermes plus ou moins recouverts de poils (ou trichome) spécialisés en forme d’écailles. Ce revêtement a plusieurs fonctions :

  • Réfléchir la lumière de manière à protéger les feuilles d’une luminosité trop importante.
  • Absorber rapidement l’eau (même sous forme de brouillard) et conserver la surface de la feuille humide le plus longtemps possible, de manière à laisser le temps à la plante d’absorber cette eau.
  • Limiter les pertes d’eau par transpiration.
  • Protéger certaines espèces du froid.

 

Différents types de revêtements d'écailles

 

          Les écailles sont formées d’un dôme central composé de 4 cellules, d’anneaux concentriques et d’une aile.

 

 

          La quantité d’écailles et leur taille permet de classer les Tillandsia en 3 grands groupes, même s’il y a, bien entendu, des exceptions :

  • Les espèces « blanches », possédant beaucoup d’écailles et vivant généralement en conditions sèches et/ou très lumineuses. C’est le cas des espèces dites xérophytes. ex : T. tectorum ou T. xerographica
  • Les espèces « intermédiaires », possédant une densité d’écailles plus faible et vivant généralement dans des conditions moins extrêmes que les précédentes (c’est le cas de la majorité des Tillandsia). ex : T. tricolor ; T. lautneri / T. capitata var. guzmanioides ; T. caput-medusae
  • Les espèces « vertes », possédant peu d’écailles (souvent de très petite taille) et vivant dans des milieux plus couverts et généralement un peu plus humides. ex : T. bulbosa (dont le limbe possède très peu d’écailles), T. dyeriana, T. cyanea

 

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Note  : l’épiderme a aussi sa propre couleur, allant du vert jaunâtre au vert foncé. Il peut arriver, lors de la floraison ou d’une forte luminosité, que l’épiderme se teinte de rose, de rouge ou de violet (parfois si foncé que la plante semble presque noircir). Ce processus est normal et permet suivant le cas d’accentuer les couleurs de la floraison ou de se protéger des rayonnements nocifs du soleil.

 

          Les feuilles sont également munies de pores, appelés stomates qui permettent les échanges gazeux. On les retrouve sous les écailles sur la face inférieure des feuilles, sur la tige voire sur les bractées. Ils sont fermés la journée chez la plupart des espèces de Tillandsia (comme chez beaucoup de Broméliacées), et s’ouvrent la nuit pour capturer le dioxyde de carbone, qui sera utilisé dès le lendemain matin, avec la lumière pour réaliser la photosynthèse. L’oxygène est quant à lui absorbé en continu afin de permettre la respiration. On parle de métabolisme CAM. Cela a deux conséquences pratiques pour leur culture :

  • Contrairement aux idées reçues, on peut placer des Tillandsia dans une chambre, pas de problème avec le dioxyde de carbone, puisqu’il est absorbé pendant la nuit.
  • Il faut éviter de laisser les feuilles détrempées la nuit, afin de ne pas empêcher ces échanges gazeux de se faire.

 

 

 

Les fleurs :

           Contrairement aux orchidées, les fleurs de Tillandsia sont relativement simples. C’est l’inflorescence qui peut paraître un peu plus complexe. Bien qu’il existe des espèces à « inflorescences » uniflores (une seule fleur) comme T. albertiana, la plupart des Tillandsia présentent des inflorescences composées de plusieurs fleurs. Ces inflorescences peuvent prendre la forme d’un épi simple (Ex : le T. dyeriana ci-dessous, T. cyanea…) ou d’épis multiples (on parle alors d’inflorescences composées comme chez T. caput-medusae). Les épis sont parfois polystiques et ont alors des formes plus globuleuses (en sphère) comme chez T. stricta.

 

 

          Dans tous les cas, l’inflorescence pourra présenter des bractées, sorte de feuilles modifiées et souvent très colorées servant à protéger l’inflorescence ou les fleurs. On distingue :

  • Les bractées de la tige florifère : de grande taille, elles sont situées sur la tige portant l’inflorescence (lorsqu’il y a une tige). En général, elles ressemblent beaucoup aux feuilles.
  • Les bractées primaires : bien souvent vivement colorées, elles sont situées à la base des groupements de fleurs dans les inflorescences composées.
  • Les bractées florales : plus petites et souvent plus colorées que les bractées primaires, elles se situent à la base des fleurs (dans ce cas sessiles) ou des pédicelles.
  • Les bractées secondaires voire tertiaires pour les inflorescences fortement ramifiées. Elles se situent à la base des ramifications secondaires ou tertiaires.

         Voici deux inflorescences annotées de Tillandsia cacticola pour vous aider à visualiser ces différents types de bractées :

 

 

         En complément, voici décortiquées rien que pour vous, les inflorescences de T. tenuifolia et T. bulbosa :

 

 

          Comme chez la plupart des monocotylédones, la fleur de Tillandsia est trimère, c’est-à-dire que les organes floraux sont présents par trois ou multiples de trois. Il y a donc 3 sépales, 3 pétales, 3 ou 6 étamines, un pistil (présentant un ovaire à 3 carpelles soudés délimitant 3 loges). Le pistil et les étamines peuvent dépasser ou non la corolle. On parle alors d’étamines ou de pistil exserts ou inclus suivant le cas. Contrairement aux Phalaenopsis et à la plupart des autres Broméliacées, les Tillandsia possèdent des ovaires supères, c’est-à-dire se trouvant au-dessus du point d’insertion des pétales et des sépales.

          Malgré l’apparente linéarité de la structure des fleurs de Tillandsia, il en existe quand même plusieurs formes. Cette distinction est personnelle, mais je la trouve assez simple à comprendre et je m’en sers dans mes fiches botaniques.

  • Les fleurs « tubulaires », dont la corolle est constituée de pétales se chevauchant (mais non soudés) presque jusqu’à leur extrémité, ne laissant apparaître qu’un petit orifice duquel dépasse parfois les étamines et le style. Il est assez difficile de distinguer les 3 pétales sur ce type de fleur.
  • Les fleurs « non tubulaires », dont la corolle est constituée de pétales se chevauchant (mais non soudés) à la base mais s’écartant nettement au sommet, qui est souvent plus large. On distingue alors facilement les 3 pétales sur la fleur qui apparait plus « ouverte ».

          Voici 2 dissections de fleurs effectuées sur 2 espèces différentes : T. tenuifolia qui présente des fleurs « non tubulaires » et T. bulbosa qui présente des fleurs « tubulaires » :

 

 

 

          Pour finir avec l’anatomie des fleurs de Tillandsia, voici les organes sexués (pistil, étamines et ovaire) en détail :

 

 

Cycle de vie

De la graine à la fleur…

          Les graines de Tillandsia sont contenues dans des fruits déhiscents appelés capsules. Elles sont relativement petites et présentent des aigrettes, poils qui favorisent la dissémination de celles-ci par le vent (anémochorie). De plus, les aigrettes des graines d’une même capsule peuvent s’emmêler pour former une boule de graine qui sera retenue sur le support (qui peut être la capsule elle-même !) par les poils. A noter qu’une graine de Tillandsia épiphyte ne peut espérer accomplir son cycle si elle tombe au niveau du sol.

 

 

          Ces graines, contrairement à celles des orchidées, sont munies de substances nutritives qui vont être utilisées par l’embryon lors de la germination. Les graines de Tillandsia sont très résistantes à la dessiccation et à la chaleur, mais la plantule, une fois apparente, est très fragile. Les meilleurs taux de germination sont obtenus lorsque les graines, retenues par leurs aigrettes et formant une boule fibreuse, restent accrochées à la plante mère. On observe alors les plantules se développer toutes au même endroit pour former une boule de jeunes Tillandsia suspendus au bout de l’inflorescence desséchée de la plante mère :

 

 

          La croissance de la plantule est très lente au début, mais s’accélère au fur et à mesure. Il faut compter plusieurs années (4 à 10 ans suivant les espèces) entre la germination et la première floraison.

 

…De la fleur à la graine

          La floraison des Tillandsia est variable suivant l’espèce. Généralement les fleurs ne durent que quelques jours (voire quelques heures comme T. dyeriana), mais cela est compensé par le nombre important de fleurs, parfois plusieurs dizaines, qui s’ouvrent alternativement de la base de l’inflorescence jusqu’à son extrémité (rarement dans l’autre sens). Comme chez toutes les angiospermes, la fleur et les bractées vont servir (en plus de protéger l’ovaire) à attirer le pollinisateur, sans qui le cycle ne peut se poursuivre. Cependant, la liste des pollinisateurs potentiels est variée chez les Tillandsia :

  • Insectes.
  • Vent.
  • Oiseaux (cas du colibri et de T. funckiana).
  • Mammifères.

          A noter que certaines espèces sont très odorantes. Citons par exemple T. crocata aux parfums très puissants. Encore une fois, ce n’est pas pour notre plus grand plaisir, mais pour attirer le pollinisateur !

          Dans le cas d’une pollinisation par les insectes, celui-ci va vouloir se nourrir du nectar présent au fond de la corolle et ce faisant, va toucher les anthères chargées de pollen. Une fois reparti, il ira très certainement visiter une autre fleur (de Tillandsia pour l’exemple) et déposera sur le stigmate les grains de pollen précédemment récoltés. A ce stade, la fleur est fécondée.

          Une fois les grains de pollen collés sur le stigmate, ils vont produire un tube pollinique qui va descendre le long du style et ira fusionner avec les ovules contenus dans l’ovaire. L’ovaire de la fleur fécondée va alors se transformer en fruit, et les ovules qu’il contient en graines. Ce processus est très lent et dure environ 6 mois à plus d’un an chez les Tillandsia. Une fois le fruit mâture, ses parois vont sécher et se rompre subitement, permettant la libération des petites graines qui prendront leur envol ou resteront accrochées au fruit. Chaque fruit peut contenir de quelques dizaines à quelques centaines de graines. Voici en image l’ouverture d’une capsule de T. andreana (indiquée par une flèche sur la première photo) :

 

Ouverture de la capsule d'un Tillandsia andreana

 

Note : certains Tillandsia sont autogames, c’est-à-dire qu’ils peuvent se féconder seuls, avec leur propre pollen (on parle alors d’autopollinisation). C’est notamment le cas chez pas mal d’espèces du sous-genre Diaphoranthema. Cela leur permet de maximiser les chances de produire des graines et a pour conséquence en culture l’apparition de fruits même en intérieur l’hiver, lorsqu’il n’y a pas d’insecte et une seule plante. Il existe également quelques espèces cléistogames, la fleur s’autofécondant alors qu’elle est encore fermée.

 

La reproduction végétative

          Les Tillandsia peuvent produire des rejets, parfois (très) nombreux. On appelle cela la reproduction végétative ou asexuée. Dans la nature, les rejets peuvent se détacher mais restent souvent accrochés à la plante mère. Ils finissent même par la recouvrir parfois. Durant tout ce temps, la plante mère va nourrir ses petits. Cela est important pour leur multiplication en culture, nous verrons cela dans une partie du prochain chapitre dédié à la culture des Tillandsia.

          Ci-dessous un gros plan sur un jeune rejet de T. punctulata (à gauche) et une suite de photos d’un T. caput-medusae prises à 3 années d’intervalle où l’on voit la plante mère produire des rejets.

 

 

          Avec plus de temps, ce phénomène peut prendre chez certaines espèces des proportions incroyables et permettre la formation de touffes énormes, où des centaines de rejets encore connectés, issus de multiplications végétatives successives, vivent ensemble :

 

 

          Les rejets peuvent présenter plusieurs formes (polymorphisme) :

  • Ils peuvent être identiques à la plante mère, on parlera dans ce cas de rejets isomorphes.
  • Ils peuvent être différents de la plante mère. Dans ce cas, on parlera de rejets hétéromorphes. Le rejet retrouvera la forme de la plante mère une fois adulte.

          Presque toutes les espèces font des rejets, souvent après (mais parfois avant !) la floraison. A noter qu’une plante qui rejette avant floraison est souvent signe de vigueur ! La plante mère va alors nourrir son ou ses petit(s) jusqu’à sa mort, qui surviendra en général quelques années après la floraison.          

          Suivant l’espèce, les rejets peuvent apparaître près de l’inflorescence (cas le plus fréquent), mais parfois en position plus basale. Certains Tillandsia très prolifiques et caulescents produisent même des rejets sur presque toute la longueur de la tige si les conditions sont favorables !

          Il existe un autre cas qui est l’apparition de rejets directement sur l’inflorescence. Ce phénomène, qu’on retrouve souvent nommé « viviparité » (même si je ne suis pas vraiment d’accord avec le terme employé, je préfère le terme pseudo-viviparité), confère à la plante une allure souvent singulière ! Tillandsia secunda, intermedia ou encore le célèbre ‘Curly Slim’ en sont quelques exemples.   

          

Suite : Comment cultiver les Tillandsia ?